La corruption, un délit difficile à prouver

Le 9 décembre est la Journée internationale de lutte contre la corruption. L'occasion est belle de mettre en avant le team anticorruption de la Police Judiciaire Fédérale. Nous avons rencontré le premier commissaire Franz Vandelook, enquêteur et chef de service adjoint de l'Office central pour la répression de la corruption (OCRC), une division de recherche de la Direction de la lutte contre la criminalité grave et organisée (DJSOC).

La corruption, un délit difficile à prouver

Les policiers qui luttent contre la corruption sont-ils par définition des experts financiers ? Le premier commissaire nuance : « À l'OCRC, nos enquêteurs judiciaires types sont compétents, rompus aux interrogatoires, aux écoutes téléphoniques et à toute autre technique d'enquête. La corruption est un délit difficile à prouver : les deux parties mises en cause ont tout intérêt à passer sous silence et à dissimuler leurs méfaits. Pour détecter un flux monétaire entre un point A et un point B, il faut aller au fond des choses. Il s'agit en effet d'une matière complexe, nécessitant des profils spécialisés, comme par exemple des experts financiers – l'OCRC compte parmi ses rangs des experts fiscaux détachés du SPF Finances –, mais pas seulement. Une enquête pour corruption, c'est un travail d'équipe. Chacun apporte sa contribution à la résolution d'un dossier. »

« Savoir comment mener une enquête financière est un plus, mais tous les enquêteurs n'ont pas besoin pour autant de maîtriser toutes les compétences spécifiques jusque dans les moindres détails. »

La soixantaine d'enquêteurs que compte l'OCRC mène des enquêtes pour corruption au sens le plus large du terme. Par corruption – au sens strict –, il y a lieu d'entendre 'le fait pour une personne occupant une fonction déterminée (publique ou privée) de solliciter ou d'accepter un cadeau ou un avantage de toute nature, dans le but d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte dans le cadre de ses fonctions'. 'Solliciter ou accepter', c'est ce qui fait la différence entre une corruption active (offrir quelque chose) et une corruption passive (accepter un cadeau ou un avantage). L'appellation 'corruption' englobe par ailleurs des concepts tels que la fraude aux subsides, la fraude aux marchés publics ou la violation du secret professionnel. Ces dernières années, l'OCRC a accordé une attention particulière à la fraude dans le sport (matchs truqués, transferts frauduleux, etc.) ».

 

Des plus hautes sphères politiques à SKY

« La plupart du temps, dans environ 80 % des dossiers, nous sommes confrontés à des faits de corruption de personnes exerçant une fonction publique », poursuit Franz Vandelook. « Cela va du niveau communal jusqu'aux plus hautes sphères politiques. Le phénomène n'épargne personne.  La corruption sape la confiance dans la démocratie. Dans un État de droit, un tel délit ne peut rester impuni. »

« Quelle est notre méthode pour détecter les faits de corruption ? Nous travaillons en étroite collaboration avec des services d'audit, comme Audit Vlaanderen. Lorsqu'un audit révèle d'éventuelles infractions judiciaires, nous en sommes informés par le service concerné. Nous dressons alors un procès-verbal initial et informons le parquet. Il est à noter que nous disposons d'un pouvoir d'investigation national, ce qui signifie que nous collaborons avec l'ensemble des parquets locaux et avec le parquet fédéral. »

Les signaux donnés par les services d'audit ne sont pas l'unique manière de mettre au jour d'éventuels faits de corruption. « Un article paru dans la presse peut également nous mettre la puce à l'oreille », poursuit Franz. « En général, il n'y a pas de fumée sans feu. Et puis, nous recevons aussi des 'tuyaux', de la part de lanceurs d'alerte ou de simples citoyens. Le point de contact (anonyme) dédié à la fraude dans le sport en est un exemple. »

Enfin, les récentes révélations dans le cadre du dossier SKY, ciblant le petit monde criminel du trafic de cocaïne, ont également donné du grain à moudre aux enquêteurs de l'Office central pour la répression de la corruption. Franz Vandelook le confirme : « Pour l'heure, nous travaillons sur une trentaine de dossiers liés aux stupéfiants. La plupart des affaires concernent des faits de corruption de personnes occupant une fonction publique : fonctionnaires des douanes, communaux, portuaires, et même policiers qui, en échange de récompenses financières, rendent des services à la mafia la drogue. Dans la lutte contre la corruption, la même morale prévaut : il faut éliminer les pommes pourries. »

 

La lutte contre la corruption : une priorité

La lutte contre la corruption figure parmi les priorités du Plan national de sécurité (PNS) 2022-2025. La corruption à grande échelle est en effet un fléau qui menace gravement le développement économique durable d'un pays et accroît les inégalités économiques et sociales. Ce phénomène est également une source de revenus pour le crime organisé et le financement du terrorisme.