Frapper les criminels au portefeuille

En ce mois d'avril, le calendrier 2023 de la Police Fédérale met à l'honneur, dans le cadre de l'#EmployerBranding, les enquêteurs ECOFIN de la Police Judiciaire Fédérale (PJF). Nous nous sommes entretenus avec un membre de l'équipe "blanchiment" de la PJF d'Anvers. Si, comme lui, vous vous sentez motivé pour frapper les criminels au portefeuille, n'hésitez pas à vous manifester, car l'équipe recrute !

Frapper les criminels au portefeuille

La section ECOFIN de la PJF d'Anvers compte une trentaine de personnes, réparties dans différentes équipes spécialisées dans le blanchiment et la fraude fiscale. O.B., qui souhaite garder l'anonymat, est inspecteur principal avec spécialisation particulière au sein de l'une des équipes "blanchiment". Titulaire d'un master en droit et d'un master en fiscalité, O.B. a rejoint les rangs de la police en 2018 à l'issue d'une formation de 14 mois. "Contrairement à ce que beaucoup pensent, notre section n'a pas le nez dans des chiffres et dans des analyses comptables du matin au soir", explique-t-il. "Notre éventail de tâches est bien plus large : perquisitions, arrestations, recours aux indicateurs, analyse de données ANPR, méthodes particulières de recherche (MPR), contacts avec des partenaires en Belgique et à l'étranger..." Il n'y a rien de plus diversifié qu'un dossier ECOFIN."

 

Une approche créative des enquêtes

Avant d'aller plus loin, tentons d'abord de définir clairement le concept de blanchiment. "Le blanchiment est une pratique qui consiste à effectuer des transactions avec de l'argent d'origine criminelle afin d'en dissimuler la provenance", nous éclaire l'enquêteur ECOFIN. "Dans les dossiers classiques, les informations que nous transmet la Cellule de traitement des informations financières (CTIF) constituent généralement le point de départ de l'enquête. Pour nous, la CTIF est un partenaire très important, une source cruciale d'informations : c'est elle qui fait le lien entre les banques et le volet pénal (police et parquet). Elle informe immédiatement notre section des transactions suspectes qu'elle constate. Souvent, des éléments justifiant une enquête ressortent également d'autres dossiers. À titre d'exemple, certains trafiquants de drogue mettent en place des structures pour blanchir l'argent issu de leur activité illégale. La drogue génère de l'argent, et l'argent doit circuler. Lorsque nous entamons une enquête, nous procédons dans un premier temps à un screening général des suspects, puis nous nous penchons sur les flux financiers sous-jacents. Il y a deux façons d'appréhender un dossier de blanchiment. Dans le premier cas, il existe un lien clair avec l'infraction de base (par exemple la drogue ou un abus de biens sociaux) et nous avons déjà constaté l'origine criminelle des fonds. La deuxième façon de procéder est moins évidente, car il faut parcourir le chemin inverse : l'enquêteur constate par exemple des flux financiers suspects, mais il n'existe aucun lien avec une infraction de base. Dans ce cas, nous devons exclure nous-mêmes l'origine légale des fonds, ce qui nécessite un travail d'enquête beaucoup plus approfondi. 

 

Banquiers hawala

Si tous les dossiers que traite la section ECOFIN sont de nature économique et/ou fiscale, les enquêteurs s'intéressent également aux diamants (Anvers !), aux monnaies virtuelles, à l'hameçonnage et aux banquiers hawala (c.-à-d. clandestins). "L'hawala est un système bancaire informel permettant le transfert de fonds", poursuit l'inspecteur principal B. (Le mot vient de l'arabe et signifie "transfert" ou parfois "confiance", NDLR). C'est un mécanisme basé sur la confiance, qui repose sur un réseau de personnes dispersées dans le monde entier. Les criminels y recourent car il ne laisse pas de trace : Il n'y a pas de copies des opérations bancaires, pas de flux traçable de documents papier ou numériques, pas d'obligation de déclarer les transactions suspectes, comme c'est le cas chez nous. Bien entendu, ce système bancaire souterrain est également une forme de blanchiment." 

 

SKY ECC : une mine d'or

L'inspecteur principal B. a collaboré au "dossier mère" de SKY ECC, en l'occurrence le démantèlement du réseau de communication. "L'une des nombreuses enquêtes subséquentes s'est penchée sur l'importation de stupéfiants dans le port d'Anvers et les quantités d'argent liquide que génère une telle activité. Nous avons essayé de réaliser une radioscopie de l'organisation et de cerner les différents rôles au sein de celle-ci : le chef, le niveau intermédiaire et les soldats. Ces derniers vendaient les blocs de coke et circulaient avec des centaines de milliers d'euros en liquide, qui sont transférés d'un bout à l'autre de la planète grâce au système bancaire hawala. En un an et demi, ces activités ont rapporté la bagatelle de 16 millions d'euros à l'organisation ! Et nous ne parlons ici que d'une seule organisation...  

La section ECOFIN n'est pas la seule unité pour qui le démantèlement du réseau de communication SKY ECC s'est révélé (et est toujours) une véritable mine d'or. Quand les criminels parlent ouvertement des crimes qu'ils commettent, cela change la donne ! Auparavant, nous devions rechercher nous-mêmes les preuves ; aujourd'hui, elles se trouvent sous nos yeux. Cette affaire nous a permis de mieux comprendre la façon d'opérer des criminels, et elle nous fournit toujours des informations actuellement. Elle lève le voile sur les méthode sophistiquées auxquelles recourent les auteurs et nous permet d'avoir une longueur d'avance sur eux. Notre intervention est indispensable, car les millions d'euros que leur rapportent leurs activités finissent par se retrouver dans le monde légal. Les pots-de-vin, la corruption, les investissements dans le milieu légal sont autant d'éléments qui déstabilisent la société..., nous devons donc sévir. Follow the money, suivez les traces de l'argent et vous saurez qui tire les ficelles. Tel est l'objectif principal des enquêteurs ECOFIN." 

 

Un travail à la fois exigeant et d'une grande importance pour la société

Le travail à la section ECOFIN est très varié et comporte de nombreux défis. "Notre objectif est de faire mal aux criminels, notamment en saisissant leurs voitures de luxe et en bloquant leurs comptes bancaires", conclut O.B. "Notre équipe est composée de profils variés, très complémentaires. Nous collaborons de façon étroite avec d'autres sections et chaque enquête est dynamique. Il ne faut pas sous-estimer l'impact de notre travail sur la société.  

Je tire ma satisfaction du fait que mon équipe et moi pouvons constituer des dossiers et travailler dans une optique de résultats. Nous avons de l'autonomie et pouvons communiquer nous-mêmes avec la magistrature. Dans la mesure où l'argent est très volatil, il est essentiel que nous intervenions au bon moment. Nous essayons à chaque fois d'avoir un impact maximal et de frapper les criminels là où ça leur fait mal. Si vous êtes animé par un sens aigu de la justice et si l'idée de porter des coups durs aux criminels (dans leur portefeuille) vous plaît, vous êtes à la bonne adresse. Il faut évidemment bien connaître la réalité économique, être à l'aise avec les chiffres, pouvoir établir des liens entre les flux financiers et avoir un esprit analytique. À l'heure du numérique, il faut également pouvoir faire preuve de créativité dans les enquêtes et sortir des sentiers battus. Car les criminels cherchent sans cesse de nouvelles manières de rester sous les radars. En plus de ces caractéristiques, il faut bien sûr avoir une solide dose de bon sens." 

Envie de donner un coup de pouce à cet enquêteur et de rejoindre son équipe au sein de la section ECOFIN ? Rendez-vous sur le site jobpol.be pour consulter les offres d'emploi "inspecteur principal avec spécialité particulière EcoFin"  ou "inspecteur recherche spécialisée Anvers"